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15 février 2008

L'Appel républicain de Marianne

Je ne crois pas que ce texte sois soumis à droit d'auteur, d'autant qu'il n'a aucune vocation à faire du profit.
J'espère que les sousignés ne m'en voudront pas :-) La propagation m'en semble vitale.

Il se passe de drôles de choses dans notre République. L'actuel Président avait bien promis la rupture. Rupture il y a, mais pas seulement telle qu'elle avait été annoncée.
Un gouvernement marginalisé, dont le travail s'avère pré-mâché par les conseillers du Prince. Rupture.
Un Président qui semble déserter la fonction, parlant tour à tour comme croyant ou comme laïc. Rupture.
Un Président qui veut mettre la politique en chiffres, comme s'il s'agissait de vendre des petits pois. Rupture.
Un Président qui entend diriger ses équipes comme un manager d'hypermarché, distribuant bons et mauvais points, primes ou sanctions. Rupture.
Un Président qui reste chef de parti et dont le domaine réservé est davantage la Mairie de Neuilly que la politique de défense. Rupture.
Un Président qui prétend substituer au débat contradictoire traditionnel entre majorité et opposition la mise en scène des divergences entre ses courtisans et ses ministres. Rupture.
Un Président qui affirme devoir être heureux pour gouverner le pays. Rupture.
Un Président qui annule ses rendez vous du soir et du matin pour vivre pleinement son couple. Rupture.

La liste est longue des stupéfiantes innovations, que, volontairement ou involontairement, Nicolas Sarkozy a introduit dans la politique présidentielle. Ce nouveau cours suscite donc des inquiétudes, une anxiété même. C'est cette anxiété, qui risque bien de s'amplifier dans les semaines et les mois à venir, que traduit l'appel républicain de douze hommes et femmes politiques que nous reproduisons ci-dessous. On ne doit pas se tromper sur sa signification : si des personnalités politiques de premier plan qui ont l'habitude de s'affronter sur la scène public depuis des années, prennent le risque de s'afficher au bas d'un même texte à quelques jours d'un scrutin dont le président lui a annoncé qu'il serait politique, si cet appel a recueilli la signature de plusieurs hommes et femmes politiques de la droite républicaine, c'est bien que le contexte politique créé par huit mois de sarkozysme est totalement inédit.
A lire. A méditer.
Avant d'agir ?



Pour une vigilance républicaine

 
Les soussignés se réclament de sensibilités très diverses, et ils ont sur un certain nombre de sujets importants des positions très différentes, mais ils ont malgré tout en commun un certain nombre de convictions et de valeurs qu'ils entendent réaffirmer.

 

- Leur attachement au principe républicain et, en conséquence, leur refus de toute dérive vers une forme de pouvoir purement personnel confinant à la monarchie élective.

-      Leur attachement aux fondamentaux d'une laïcité ferme et tolérante, gage de la paix civile.

-      Leur attachement à l'indépendance de la presse et au pluralisme de l'information.

- Leur attachement aux grandes options qui ont guidé, depuis cinquante ans, au-delà des clivages partisans, une politique étrangère digne, attachée à la défense du droit des peuples et soucieuse de préserver l'indépendance nationale et de construire une Europe propre à relever les défis du XXI° siècle.

 

Au-delà de leurs divergences, les soussignés tiennent à rappeler leur engagement à défendre, séparément ou ensemble, ces impératifs, comme toujours cela fut fait au cours de l'Histoire de la République.

Pierre Lefranc, ancien chef de cabinet du Général de Gaulle
Dominique de Villepin, ancien Premier ministre
Ségolène Royal, ancien ministre, Présidente de la région Poitou-Charentes
Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre
Corinne Lepage, ancienne ministre
Nicolas Dupont-AIgnan, député de l'Essonne
Bertrand Delanoë, maire de Paris
Maurice Leroy, député de Loir-et-Cher
Nöel Mamère, député de la Gironde
Jean-Christophe Lagarde, député de la Seine-Saint-Denis
Marielle de Sarnez, conseillère de Paris
André Gérin, député du Rhône
Arnaud Montebourg, député de la Saône-et-Loire
Jacqueline Gourault, sénatrice du Loir-et-Loire
Jean-Pierre Brard, député de la Seine-Saint-Denis
Jean-Paul Bled, président des Cercles universitaires d'études et de recherches gauliennes

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14 février 2008

La guerre selon Charlie Wilson

Après les excellents reportages de Christophe de Ponfilly sur le commandant Massoud et ses armées du Panshir, voilà qu'on s'intéresse à nouveau au premier conflit afghan. Il faut dire que Les Cerfs-Volants de Kaboul sont passés par là, et il semble bien que ce soit Khaled Hosseini qui ait ouvert les yeux des Etats-Unis. On est malheureusement très loin encore de la réalité dépeinte dans l'Etoile du Soldat, mais ne tuons pas ce film par notre européenne compassion et notre mépris français, Tom Hanks, (co-producteur ?), a le mérite d'attirer les yeux des troupeaux de spectateurs hollywoodiens vers son visage rond de sénateur bon vivant.
Car Good Time Charlie a bel et bien existé, et son action sur l'Histoire est loin d'être négligeable ! Le film vaut donc par la mise en perspective de ces influences souterraines, orchestrées dans les couloirs des temples démocratiques de Washington, bien loin des préoccupations de transparence du peuple américain ! En ces temps de solidarité patriotique et d'élans néo-conservateurs forts, il est bon de se rappeler que la compassion, presque moteur de l'action ici, n'a qu'un temps, et ne saurait en rien résoudre durablement les noeuds géopolitiques mondiaux. Mais trêve de critique historique, parlons donc du film !
Il faut avouer d'abord que Tom Hanks le porte à bout de bras, bien relayé et soutenu par Philip Seymour Hoffmann, toujours excellent dans les rôles ambigus de looser caractériel au bon cœur. Je ne suis sans doute pas le meilleur juge de la performance de Julia Roberts, mais il me semble que son apport reste minime, malgré l'influence de son personnage sur la poursuite des événements. Richissime fondatrice d'une organisation qui entretient des liens étroits avec l'extrême droite protestante américaine, son personnage aguichant ne manque pas d'une certaine ironie qui aurait gagnée à être plus exploitée.
Le rythme général est assez rebondissant, avec des passages véritablement drôles. En vérité, je ne connais pas exactement les opinions politiques des scénaristes, mais les dialogues égratignent délicieusement la politique étrangère des Etats-Unis, ce qui n'est pas sans nous faire sourire ! La dimension psychologique des personnages n'est pas très profonde, et une certaine facilité affleure. En réalité, cela reflète la superficialité des personnes, et laisse la place au tragique de la situation, mais il est vrai que cet aspect est un peu léger.
Sans être le film de l'année, on retiendra de cette œuvre un important éveil des consciences sur les origines de la situation géopolitique actuelle, et un nécessaire rappel de l'influence des services secrets dans cette zone du globe. Reste à exploiter la plaisanterie du Maître Zen à la fin du film : sans véritable réflexion posée, ce qui apparaît comme bon aujourd'hui peut s'avérer désastreux... Comme le dit le sénateur Wilson lui-même, dans les années 1984, "les intégristes prolifèrent à Mazar-y-Charif et à Kandahar comme des mouches sur une bouse fraîche..."

14 février 2008

Astérix aux Jeux Olympiques

Quel gâchis ! Voilà de nouveau la chronique d'un naufrage annoncé... A posteriori, on ne peut pas s'appuyer sur un faible succès populaire, puisque le film a dépassé les 6 millions d'entrées, mais malgré tout, quel scandale !

Le premier opus ressemblait à un coup d'essai : la bande dessinée extrêmement populaire, mais son entrée sur la scène cinématographique semblait à l'époque hasardeuse. Le succès relatif du dessin animé (qui reste "culte" chez certains, et qui est, il est vrai, très fidèle à l'esprit des auteurs) avait de quoi rassurer, et emmener Claude Zidi, Christian Clavier et Gérard Depardieu dans son sillage, mais la réussite ne fut pas exactement au rendez-vous. Avec un total avoisinant les 24 millions d'entrées dans le monde, cela justifiait cependant la mise en route d'une suite. C'est alors qu'est réalisé Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre. Cette fois-ci, le succès est immense, et pour cause. La bande dessinée a été adaptée très fidèlement, mais c'est une pointure humoristique du temps qui s'en charge, au niveau de Goscinny en son temps, d'une drôlerie presqu'universelle en restant irrésistible, populaire et fine.

La presse, pour celui-ci a vrombi de rumeurs. Non, ce ne serait pas Alain Chabat qui se chargerait de nouveau de l'adaptation. Non, ce ne serait plus Christian Clavier qui jouerait Astérix. Une pléiade d'acteurs et de personnalités people est convoquée, on imagine sans problème notre Delon national en Jules César, avec déjà un sourire aux lèvres... La sortie est précédée d'un battage médiatique hallucinant, montrant des affiches trois à quatre mois avant la date prévue. Le grotesque est déjà revendiqué, avec des grecs parodiés en travestis malsains, ainsi qu'une espèce de monstre musculeux dont la tête est coupée, cornaqué par un nabot ignoble... L'espoir demeure.

Quelques semaines avant la date fatidique, alors que les plateaux de télévision sont assaillis des acteurs toujours enthousiastes, la presse commence à gronder. La réalisation serait plate, le scénario une suite d'historiettes ratées, les acteurs isolés dans leur propre numéro, et les peoples (on s'en serait douté) sans les qualités de jeu escompté...

Qu'à cela ne tienne ! Courageusement, j'ai été voir le film. L'aveu en était déjà rendu difficile par la multitude des réactions négatives qu'il avait suscité, mais je me devais de me faire une idée. La presse avait raison : un véritable désastre. Une comédie de moins de deux heures qui parvient à être ennuyeuse. Tous les défauts d'un film bâclé, sans aucune finesse. Alors que j'avais relu l'album peu avant, espérant découvrir un enrichissement digne du précédent film, je n'ai retrouvé aucun trait de poésie, aucune plaisanterie digne de la dérision gauloise. Tout est forcé, pitoyable. On découvre des gens qu'on aime bien par ailleurs dans une position délicate, absurde dans un film qui ne souhaite pas l'être... José Garcia, Elie Semoun, tous artistes de qualité qui se fourvoient dans des postures grotesques qui ne font pas rire (enfin, pas moi).

Le sentiment "haché" est vérifié, tout comme l'impression que chaque gag a été passé à la moulinette d'une vingtaine de langues avant d'être intégré au scénario. Une platitude sans égal, et aucune réplique ne me revient en mémoire (à part peut-être le "parle à mon cubitus, ma tête..." prononcé par Benoît Poolevorde alias Brutus au début). On est très loin des adaptations brillantes de Mission Cléopâtre, des "grosse fourmi", des "scribe, c'est celui qui scribe tout", des "il est pas magnifique ce carrelage ?"... Une grande tristesse, et l'espoir indéracinable que Chabat parviendra à réaliser, par exemple Astérix chez les Bretons (un bijou) ou Astérix en Corse, voire (je rêve), le domaine des Dieux (mon préféré)... Wait & see !

14 février 2008

Juno

Enfin un film véritablement rafraîchissant ! L'affiche ne laissant rien présager de tel, j'avoue y être allé en pensant retrouver un teen-movie de base, guère plus fin, mais ma surpris n'en fut que plus agréable ! Le générique laisse encore croire à une version longue de la série Dawson, mais la bande-son toute en guitare sèche et rythme blues, nous rassure quelque peu. Et puis on découvre Ellen Page. Et c'est un véritable sentiment de sympathie qui nous envahit.

On est conquis progressivement par cette adolescente sûre d'elle, farouche, mais pas rebelle, franche mais infiniment délicate. Au fil de l'intrigue, on lui découvre une "copine" bien plus in, mais aussi cruche qu'elle-même est touchante. On lui découvre aussi un petit ami décalé, un peu simplet au premier abord, mais dont les qualités vont être esquissées, dessinées puis affirmées sous nos yeux attendris.

C'est peut-être là le problème, me direz-vous ! On pourrais croire à ces lignes que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais il ne faut pas exagérer. Ce film sombrerait précisément dans le teen-movie si ce n'était un brillant détour par les problèmes "des adultes". Puisque c'est là que se noue l'intrigue. Juno est enceinte, et c'est là son problème, mais elle ne fait qu'entrevoir les ressorts puissants qu'agite la vie. Après une rapide hésitation à l'avortement, l'adolescente décide de céder "à l'avance" son rejet à un riche couple des banlieues riches de la ville. Cependant, notre adolescente mûre et pas timide pour deux sous va essayer de les comprendre profondément, dans la mesure du possible.

Toutes ces rencontres sont peut-être un peu survolées, mais on perçoit assez bien l'optimisme de nos amis canadiens derrière ces aventures au goût déjà surranné des années 90, pleines de rock et des réminiscences de la musique psychédélique. J'avais beaucoup apprécié C.R.A.Z.Y., dans un style un peu plus trash, mais j'estime que Juno en est le digne pendant humoristique et apaisant. Pour ceux qui comme moi peinent parfois à comprendre l'anglais parlé par les américains, il est tellement plus agréable de tout comprendre !

5 février 2008

Into the Wild

Rien de tel qu'un grand acteur américain, une histoire profondément américaine et une envie profonde de réaliser pour obtenir un film étonnant. En effet, Sean Penn n'apparaît pas au générique de son très émouvant Into the Wild, même si son empreinte se ressent tout au long du film, ou peut-être devrait-on dire de la pièce.

Le film est fondé sur le parcours bien réel d'un jeune américain qui réalisa ce cheminement initiatique au début des années 1990. Il se présente comme une succession de scènes tournées dans différents endroits des Etats-Unis, qui sont autant de rencontre pour notre héros. L'introduction nous le montre arrivant en Alaska, mal équipé mais fort excité par cette perspective. On découvre ensuite au fil du récit sa séparation avec sa famille, ses rencontres avec un couple d'anciens hippies, un vieil homme sympathique, ses démêlés avec la police fluviale lorsqu'il s'aventure en kayak sur le Grand Canyon...

Au-delà des controverses sur l'histoire de Christopher McCandless, qui se fait appeler "Alexander Supertramp" qui fait jeu de mots en anglais de nombreuses manières.
D'abord avec tramp, qui signifie vagabond. Le supertramp serait bien sûr celui dont le vagabondage n'a plus de limites, écho négatif du héros de comic Superman. Ensuite, on se souvient bien sûr du groupe de musique du même nom, groupe anglais assez important des années 1970. Mais cela ne s'arrête pas là, puisqu'eux-même ont tiré leur nom d'un roman américain du début du siècle : Autobiography of a Super-tramp. Connaissant la culture du personnage central, et son attirance pour la vie rude et sauvage, il est fort probable que les références aient été choisies avec soin. Il semble qu'Alexander aient été choisi pour traduire son appétit pour les grands espaces, sa curiosité insatiable et son goût prononcé de la conquête.

Les aléas initiatiques de ce héros romantique nous sont présentés sur fond de société post-moderne désabusée, au sein d'une Amérique dévorée par le vice et le manque de spiritualité. Les personnages positifs rencontrés sont donc détenteur d'une certaine part de vérité, d'une force spirituelle qui peut venir de différentes sources. Les derniers instants du film montrent un Alexander qui voudrait redevenir Christopher, une personnalité profondément habitée par le besoin métaphysique de se comprendre, de percer son mystère d'humanité. Il s'aperçoit lors de sa période de réclusion que, malgré l'enrichissement considérable que celle-ci a pu lui apporter, seul le contact humain pourra l'amener à progresser. Seule la transmission de ses "découvertes" poursuivrait efficacement sa recherche de sérénité et de bonheur. Le film nous présente son angoisse existentielle lorsqu'il rencontre une jeune fille, mais cette recherche identitaire est bloquée par une grand angoisse pour l'avenir.

On peut noter sans trop s'avancer le choc qu'a constitué pour lui les "aventures" peu recommandables de ses parents, et les circonstances qui ont présidé à leur union. La première épouse de son père a été délaissée de manière peu élégante, et ni lui ni sa sœur n'avait perçu cette félonie avant un certain âge.

Je conclurais en saluant tout-à-la-fois la réalisation, la photographie et l'écriture. On peut admirer également l'initiative de cet aventurier véritable qui a largement payé de sa personne pour découvrir l'exil, la solitude (le titre français de sa biographie est Voyage au bout de la Solitude)  et la rencontre "absolue" entre des êtres humains qui ne se connaissent pas. L'expérience, pour simple et conceptuellement pauvre qu'elle soit, a le mérite d'être peinte avec beaucoup d'humanité et un recul suffisant pour ne pas sombrer dans la mièvre naïveté qu'aurait pu provoquer le défi central de la vie de Christopher.

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15 janvier 2008

Les Cerfs-volants de Kaboul

Pour en savoir un peu plus sur l'Afghanistan des années 1970 à nos jours, rien de tel qu'un roman écrit par un afghan sur la même période ! Le bouquin a été un best-seller donc écrire dessus est peut-être un peu tardif, mais il faut avouer qu'il vaut le coup. Il m'a rappelé l'excellent Azur et Asmar qui est passé sur nos écrans il y a quelques années, avec une prodigieuse dimension historique, et surtout une attache particulière à la réalité.

Tout y passe. L'enfance dans un régime autoritaire paternaliste de la fin des années 70. L'admiration d'un enfant pour son père formidable, notable de la cité phare qu'est alors Kaboul. Les débordements d'un conflit flou, qui finit, fragillisé par les extrémismes, en une guerre civile absurde. La culpabilité envers un ami cher, un vrai frère qu'on a pas pu sauver. Le succès d'un écrivain talentueux mais étranger. L'intégration d'un représentant fier et digne d'une culture séculaire, et ses altercations avec d'autres représentants d'autres cultures millénaires, eux-mêmes en cours d'intégration... On repart vers l'Afghanistan, et on continue dans notre exploration des difficultés de l'espèce humaine. La lâcheté des uns, la folie des autres, un pays qui a sombré en moins de vingt ans. Abrupt. On repart, la bureaucratie étrangère, plus ou moins investie pour ses ressortissants, la bonté encore infinie de l'homme resté libre, resté digne... Ces voyages ont été épuisants, mais il nous reste une étape à franchir.

Les errances de l'âge mûr, la volonté de fonder un foyer, et la difficulté à accomplir cette entreprise vitale hors de ses propres racines. Le couple et ses multiples facettes, ses surprises, son mystère... La construction d'une identité adulte et sienne alors que le deuil du père est rendu presqu'impossible par l'absence de figure maternelle. Les traumatismes d'un enfant qui a toujours du lutter pour imposer sa survie à la Terre entière.

Voilà, espérant que cette accumulation de phrases simples ne vous a pas donnée la nausée, je vous souhaite sincèrement de lire ce livre et je me chargerai personnellement de critiquer le film dès qu'il sera sorti. L'authenticité et la profondeur humaine des personnages ne sera jamais atteinte en deux heures de cinéma, mais on peut espérer que les couleurs et les évolutions géopolitiques seront au rendez-vous !

12 novembre 2007

Le Premier Cri

Un film documentaire de Gilles de Maistre, qui vaut le coup d'œil, mais peut-être pas le détour.

Ce renouveau du documentaire revêt une certaine importance de nos jours. Alors qu'une unique civilisation impérialiste domine l'industrie cinématographique (du moins, en France), on est ravi d'aller voir un film français d'une part, et à vocation universelle d'autre part. La trame est bien sûr l'accouchement, ou plutôt la manière de le vivre et de le percevoir aux quatre coins du monde. Une mexicaine, une japonaise, une africaine du Sahara, une Masaï, une québécoise, une viêtnamienne, une sibérienne, une indienne... On peut déplorer l'absence d'une chinoise et d'une sud-américaine hispanophone, mais ce serait de la mauvaise foi. Impressionnant panel de cultures, vastes pérégrinations à travers le monde, me direz-vous !

Oui, mais c'est précisément là que le bât blesse. Ce tableau fort appétissant nous met l'eau à la bouche, et au bout de quatre grossesses, on se dit qu'on va plonger dans les quatre cultures. On s'apprête à comprendre les raisons des unes et des autres, les choix et les psychologies de leurs entourages, les coutumes de leurs aïeux... Il faut préciser également que le réalisateur ne s'est pas contenté d'aller à la maternité de la capitale ! Il a trouvé des accouchements hors-norme, dont on souhaite vraiment comprendre les attraits et les risques.

Mais pas du tout ! Le nouveau-né vient au monde, sa maman l'aime, son papa aussi, et le spectateur, lui, quitte ces gens sans les connaître. Pourquoi donc ? Nul ne le sait. La narration virevolte sans cesse d'un pays à l'autre, d'un peuple à un autre, et on a à peine le temps d'écouter la voix off évoquer très rapidement le contexte social de la naissance. Certains éléments vaudraient pourtant le coup ! La naissance traditionnelle japonaise pourrait être expliquée, comme celle des rives de l'Amazone ! Pourquoi survoler, surcharger ? Pourquoi ne pas faire de ces histoires exceptionnelles des portes d'entrée pour aller vers les autres, et entrevoir dans ce rite fondateur la complexité d'une autre culture ? On perçoit quelques particularités aux travers des brèves images, mais jamais de recul, jamais d'explication, jamais de parti pris...

En bref, une grande déception pour moi qui m'attendais à une vraie exploration d'une cellule familiale si fondamentale pour tous les ethnologues du monde. Mettre ces différences en exergue aurait révélé un vrai talent pédagogique, et magnifié des images qui n'en paraissent que plus plates. Cet ennui n'a que l'avantage de nous rappeler qu'en Russie, en Amérique ou en Asie, rien ne ressemble plus à un nouveau-né qu'un autre nouveau-né, fut-il distant de 10 000 kilomètres ! A notre sortie du cinéma résonnait la superbe chanson Russians de Sting, qui dit pour moi bien plus de choses en cinq minutes que cette oeuvre en une heure et quarante minutes.

7 novembre 2007

Indépendance et Journalisme

Juste un billet rapide sur un problème fondamental. Si cela ne sert qu'à augmenter le nombre de références par Google, c'est déjà une bonne chose. Alors je veux bien lire Marianne, et d'autres journaux "subversifs" du même genre, mais on ne peut accuser les quotidiens que je vais maintenant citer d'être à l'écart des préoccupations et des réalités économiques de notre pays.

Quand on trouve, au même instant, un article comme celui-ci dans La Tribune et un comme celui-là dans Les Echos, il y a tout de même de quoi se poser des questions, me semble-t-il ! Quand on connaît le prestige qu'il y a à travailler dans ces institutions de la presse économique française, et la qualité de leurs articles, on peut se dire que les employés des ces deux boîtes ne sont pas des fainéants, ni des gauchistes attardés !

J'espère que tout les médias prendront conscience du risque important sur la presse française, après les connivences entre les journalistes télévisuels et le pouvoir, on aura peut-être une information propre en Europe, un de ces jours ! On peut toujours aller lire ça, pour s'instruire ! Il n'est pas interdit d'oublier ici toutes les précautions d'usage lorsqu'on a un texte engagé et légèrement corporatiste sous les yeux...

6 novembre 2007

Guerre et Paix

Avant d'être dénaturée par une vision cinématographique, il faut que mon imagination donne son souvenir de ce merveilleux roman. Quand je dis "il faut", c'est pour moi, et vous vous en contre-fichez peut-être... Allons, j'écris quand même !

La Russie, quelle que soit l'époque envisagée, est une terre fascinante. Elle représente sans aucune doute une entité incomparable géographiquement, puisque la seule taïga est le plus grand ensemble naturel cohérent qui existe sur notre planète. Je n'ai plus en tête les excellentes statistiques d'Un jour sur terre, mais cette forêt magique quasiment inhabitée voire inexplorée, fait rêver. Ces territoires sauvages ne sont que très peu visités par les héros de Guerre et Paix, inévitablement euro-centrés, mais cette image puissante d'une sorte d'arrière-pays infini fait partie intégrante de l'âme russe.

Revenons à nos moutons, ou plutôt à nos rennes. Ce roman monumental, imposant, doit être remis dans son contexte. La Russie de Tolstoï est un pays très éclairé, très en avance sur son temps, mais aussi très inégalitaire. Il ne faut pas oublier que le servage n'y sera aboli qu'en 1861 et que, si les idées des Lumières se sont répandues assez vite dans la haute société, presqu'intégralement francophone, leur application prendra encore une bonne cinquantaine d'années ! En réalité, comme nombre de grandes oeuvres littéraires, Guerre et Paix est comme une poupée... russe ! Au sein d'une fresque poignante, admirable du point de vue narratif et romanesque, on trouve une réflexion profonde sur une multitude de questions.

Tout d'abord, l'humain y est visité attentivement, très affectueusement. Le personnage de Pierre est un exemple même du riche propriétaire, scandalisé par l'inégalité ambiante, qui va tenter de mettre ses idéaux et son savoir au service de son peuple, avec plus ou moins de réussite. Koutouzov, général anciennement flamboyant, malgré une évidente motivation initiale, perd complètement foi en la vie. Les jeunes, eux, ne se préoccupent que d'eux-mêmes ! Les jeunes filles sont belles et coquettes, les jeunes hommes, courageux et assoiffés de gloire. L'auteur aime ses personnages et se moque d'eux très souvent, tourne en dérision les traits qu'il leur a lui-même donné. Cet admirable sculpteur s'amuse à ciseler des défauts à ses statues, qui ne vont que leur donner plus de charme, plus de réalité. Mais à l'intérieur de ces portraits fondateurs, TolstoÏ va placer dans la bouche et les actes de ses pantins des réflexions fondatrices, du moins fort construites.

L'Histoire et ses méandres incompréhensibles sont source infinie de contemplation chez ce vieux compte russe. Cet enchevêtrement lui plaît, indéniablement. Lui-même a vécu les boulversements de la Russie du dix-neuvième siècle, et il a de l'énergie à revendre, presque de l'influence à user, concernant les préoccupations sociales de son peuple. L'écrivain a senti que ce serait là son chef d'oeuvre (selon moi !) et il veut en faire une Bible, une référence morale. C'est ce qui nous amène à la dernière gigogne : Dieu.

Intimement lié aux réflexions sur l'Histoire, le lecteur voit peu à peu un Créateur se dessiner. Dieu, façonné par la tradition orthodoxe et revisité par l'auteur, a un visage très intéressant, et assez moderne. Je n'ai pas encore eu le loisir de lire les écrits religieux de Tolstoï, mais il me semble que sa conception religieuse, spéciale, est assez avancée. Ouvert à une religion très intellectuelle, il cherche plus l'universalité qu'une véritable rencontre avec le Christ... Bon, je vais lire ses essais d'exégèse, et on en reparle !

En résumé, il faut du courage pour se lancer dans Guerre et Paix, qu'on peut sans peine comparer aux Misérables. Une fois immergé dans le roman, l'envie de méditer devant un feu de cheminée vous vient. Puis, c'est celle de se promener dans une forêt de sapins enneigée. Celle de monter à l'assaut, baïonnette à la main, de crier "Serrez les rangs !", de sabrer tout ce qui bouge... ne vient jamais, rassurez-vous ! Cependant, les réflexions historique et sacrée sont bien plus poussées que dans nombre d'ouvrages, et appellent à un véritable questionnement métaphysique très plaisant.

23 octobre 2007

Le diable au corps

En voilà une arnaque ! Annoncée partout comme un roman sulfureux, la vie de Raymond Radiguet me semblait à même de produire un roman génial, subversif à souhait et poétique... en diable ! Mais non. Cette première impression doit être à tout prix tempérée, et le mythe vivant autour du roman ne s'est pas construit à partir de rien, loin de là.

Reprenons. L'histoire se passe dans la France en guerre du début du siècle, période correspondante à la jeunesse de l'auteur. Celui-ci, en guise d'éducation sentimentale, tombe amoureux d'une jeune femme plus âgée que lui de cinq ou six ans. Adolescent, il va devoir concilier ce premier amour, le mariage de Marthe et son inexpérience chronique.

On peut voir beaucoup d'éléments révolutionnaires dans ce livre. L'auteur, en toute innocence, vit la relation amoureuse la plus tranquille qui soit avec une gentille ingénue abandonnée par son soldat de mari. Au lendemain de la guerre, on comprends sans peine que des affaires de ce type ont bel et bien eu lieu, et que leur narration dans un roman représente une énorme provocation. Par ailleurs, le héros est bien plus jeune que sa conquête, ce qui donne encore du grain à moudre aux tenants de la morale, à peine émoussés par les surréalistes, en ces années 1920. Enfin, le ton faussement innocent, doucereux et presqu'obséquieux de Radiguet nous amène naturellement à penser qu'il se moque du monde.

Mais alors, me direz-vous, pourquoi avoir conservé une telle aura ? Comment ce mythe a-t-il pu demeurer au panthéon des oeuvres subversives ? Il comporte des aspects profondément atemporels, qui doivent à tout prix nous faire oublier ce contexte de guerre. Finalement, l'aspect respectable, moral, de l'occupation de Jacques (le mari trompé) peut être escamoté, pour tout autre activité qui serait aussi prenante. François, notre jeune héros, ne s'arrête pas sur l'idée de nation, de conflit ou de combat. Ce livre nous parle des réflexions, plus ou moins conscientes, que nous n'avouons jamais sans pour autant les réprimer. Souhait de la mort de Jacques, besoin inextinguible de déranger Marthe, volonté de provoquer certaines crises, jouissance de la complicité inavouée du père... Ces sentiments sont rendus de manière impressionniste, mais très marquante. On adhère jamais aux intentions du narrateur, parfois très malsaines, mais on les comprends toujours. Sans vanter cette conception de la vie comme on aurait pu le croire, et comme pourrait la défendre un philosophe nihiliste, l'auteur nous montre superbement comment on peut intégrer et accepter cette démarche intellectuelle.

Vient enfin l'écriture, qu'on aurait encore pu croire pleine de trouvailles poétiques et de ressorts littéraires, et là encore, c'est plus subtil. Les mots sont simples, ainsi que les formules. Les descriptions, courtes, situent à peine le cadre de l'histoire, et l'auteur utilise à plein le contenu géographique des mots. Il localise l'aventure au bord de la Marne, si agitée quelques dizaines de kilomètres en amont. Mais où est donc l'intérêt ? Pour moi, c'est la naïveté et la lucidité des sentences qui donnent leur intérêt aux pensées du narrateur. L'extraordinaire maturité dont il fait preuve lui confère un recul très impressionnant sur sa démarche de lycéen, d'amant et même parfois de père. Cette acuité humaine, il nous la livre cependant avec des visées inhérentes à son âge, et c'est le seul bémol que l'on puisse trouver.

Un grand bouquin, sans aucun doute. La puissante psychologie de l'auteur, quelques années plus tard, aurait pu être mise au service d'une oeuvre encore plus marquante, mais la fièvre typhoïde en a décidé autrement. Un véritable génie, certes, dont on aurait perdu les chefs-d'oeuvre majeurs.

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